À travers la France, une nouvelle tendance inquiète parents et professionnels : l’essor des instituts de beauté pour enfants et la diffusion de modes comme les “burn lines” (marques de bronzage sans protection, popularisées sur TikTok et Instagram) touchent les jeunes dès la préadolescence. La Société française de dermatologie, appuyée par des pédopsychiatres, met en garde : ces pratiques, apparues fin 2024, exposent les enfants à des risques concrets – allergies, eczéma, brûlures – et instaurent l’idée que l’apparence et les rituels beauté seraient au cœur de leur identité. Face à une pression marketing et sociale croissante, de nombreux parents cherchent des repères pour préserver la santé de leurs enfants tout en respectant leur désir d’expression.
Depuis fin 2023, les instituts de beauté destinés aux plus jeunes se multiplient, alors que sur les réseaux sociaux, le hashtag “tan lines” rassemble plus de 150 000 publications sur TikTok et plus d’un million de contenus similaires sur Instagram (chiffres 2024). Les adolescents, sur leur fil d’actualité, sont exposés à des vidéos les incitant à appliquer des huiles accélératrices ou de simples huiles de cuisine pour bronzer plus vite, et à s’exposer sans protection aux heures les plus risquées du soleil. Les conséquences sanitaires sont préoccupantes : « L’enfant n’a pas besoin de produits cosmétiques », rappelle le Pr Pierre Vabres du CHU de Dijon ; la peau fragile des jeunes est particulièrement vulnérable et l’absence de réglementation dédiée laisse la porte ouverte à tous les excès. Une simple utilisation de masque ou crème, même labellisée “douce”, peut provoquer perturbations cutanées ou allergies chroniques.
Selon Santé Publique France, le mélanome tue chaque année environ 2000 personnes dans le pays, et plus de 85 % des cancers cutanés trouvent leur origine dans des expositions excessives durant l’enfance et l’adolescence. Christophe Bédane, dermatologue, alerte : “Avec des accélérateurs de bronzage, il est même possible d’avoir une brûlure au deuxième degré, qui peut vous envoyer à l’hôpital.”
Au-delà des risques médicaux, ces tendances modifient le rapport à soi : l’estime de soi, chez des enfants de plus en plus jeunes, se construit sous l’influence des modèles proposés en ligne. Pour de nombreux parents, la pression du marketing, l’absence de repères clairs et la multiplication d’ateliers “routines beauté” dans la vie quotidienne suscitent questions et tensions. Les pédopsychiatres alertent sur l’émergence d’angoisses, ou même de troubles alimentaires, liés à une focalisation précoce sur l’image. Le Dr Amandine Buffière s’inquiète : “C’est exposer des enfants fragiles, à l’adolescence, à l’idée que l’apparence est LA chose essentielle dans la vie.”
Historiquement, le soin de l’enfant relevait de l’hygiène et de la prévention, loin des produits dédiés aujourd’hui aux plus jeunes. Cette évolution est portée par un glissement du marketing cosmétique ainsi que par une viralité accrue sur les réseaux : une mode née en Australie en 2025 peut s’imposer en France en quelques semaines. Certains pays, comme la Scandinavie ou le Japon, gardent une approche beaucoup plus réglementée avec des campagnes nationales de prévention et un encadrement sanitaire renforcé ; la France, de son côté, n’a pas encore développé de législation spécifique pour encadrer l’offre cosmétique destinée aux moins de 16 ans.
Les risques sont multiples : explosion des cas d’allergies (près d’1 enfant sur 5 souffre aujourd’hui de dermatite atopique) ; banalisation d’usages dangereux (huiles accélératrices non adaptées, détournement de produits ménagers) ; dérives psychologiques (augmentation de la dysmorphophobie documentée dès 8-10 ans, liée à la consommation excessive de contenus centrés sur l’apparence).
Face à ces phénomènes, des alternatives émergent : ateliers familiaux “do it yourself”, journées de découverte des bienfaits des plantes locales, engagement dans des Repair Café, ou inscriptions dans les associations de parentalité éco-responsable. Ces initiatives cherchent à redonner du sens à la transmission et à l’autonomie, en revalorisant la nature, le jeu et la créativité partagée comme antidote au trop-plein d’injonctions marketing et d’immédiateté numérique.
Des ressources existent pour accompagner les familles : webinaires sur la cosmétique naturelle, réseaux d’échanges entre parents, ateliers associatifs sur le soin au naturel ou le jardinage en permaculture, communautés actives sur Telegram et Instagram. Les débats sur la santé physique et mentale des enfants face à ces nouvelles normes restent ouverts : ils appellent à la mobilisation de tous les acteurs – familles, écoles, professionnels du soin, pouvoirs publics – pour bâtir une réponse éducative, bienveillante et informée.
Prendre soin de nos enfants, c’est aussi garder le cap sur l’essentiel : l’accompagnement, l’écoute, la transmission des repères solides et la promotion d’un rapport apaisé et créatif au corps et à l’image.
